Une cervoise vite !
Son histoire est passionnante. Mais méconnue. Personne réellement ne connaît sa recette à l’origine. Et pour cause. Nos ancêtres les Gaulois parlaient plus qu’ils n’écrivaient.
C’est donc grâce aux auteurs latins que l’on en sait un peu plus de façon fiable sur la réalité de ce qu’était cette cervoise. La diversité des recettes est soulignée par Pline : « les céréales fournissent aussi des boissons : le zythum en Égypte, la coelia et la cervea en Espagne, la cervoise cerveria et plusieurs autres en Gaule ».
« Hôtesse, remplis mon vase de bière »
Cette gourde format annulaire unique en son genre a été découverte à Paris, et est datée du IVème siècle. L'inscription sur une face invite à boire de la bière : « (h)ospita reple lagona(m) cervesa : Hôtesse, remplis mon vase de bière ».
L'autre face, invite à boire du vin..
On peut l'admirer au Musée Carnavalet à Paris.
Cervisia, cevisia, cerevisia
Ce sont les termes courant utilisés en Gaule. On trouve aussi les mots celia, cerea pour désigner cette bière d’orge et de blé. Au moins 8 types de bières différentes sont précisés, avec des lieux et des époques différentes, dans le livre qu'a consacré aux bières gauloises le regretté Philippe Voluer, historien de la bière.
Des bières de froment et des bières de blé : bière de froment avec du miel appelées « cervesia », pour les plus aisés. Des bières d’orge sans miel « corma, korma, curmi » pour le peuple.
On aime rappeler que le mot « cervoise » vient de la déesse des moisson Cérès et du mot "vis" qui signifie « force » en latin.
Si on ne connaît pas la composition précise de ces cervoises, on sait toutefois que plusieurs céréales étaient utilisées, orge, blé, avoine notamment. On la présente souvent comme l'ancêtre de la bière.
La cervoise est proche du "Gruyt", son homologue du nord de l'Europe. Un style à part entière aux Pays-Bas.
Chaque année, le 1er février, se tient l'International Gruit Day
Le Gruyt est le nom du mélange d'herbes et de plantes utilisées au Moyen-Age pour aromatiser la bière. C'était d'ailleurs un monopole de l’Église plutôt lucratif...
La cervoise revient en force
Le phénomène prend de l’ampleur, et aujourd’hui, la cervoise inspire autant les nouveaux brasseurs que les brasseurs traditionnels. Sa recette ouvre le champ de tous les possibles avec des choix illimités d’épices, de plantes aromatiques, d’herbes et de miels. Un style de bière on ne peut plus français. Et on ne peut plus unique dans ses déclinaisons multiples.
Ne boudons pas notre plaisir et découvrons toutes les cervoises avec ou sans houblon !
Des mélanges d'herbes et de plantes aromatiques
Concentrons nous donc sur les cervoises actuelles, toutes différentes, dans leurs compositions, leurs approches, leurs goûts. Et pour cause : la base est un mélange d’herbes et de plantes aromatiques cueillies sur le territoire de la brasserie.
Chacune est donc unique.
Leur amertume est variable, dépendamment des plantes utilisées. Leur palette aromatique est large : herbacée: herbe verte, buis, fougères/ plantes aromatiques : thym, sauge, romarin,sarriette/ résineuse : sève, pomme de pin/ miellée : miel doux, de fleurs,de montagne.../ épicée : clou de girofle, poivre, cardamome..., et bien sûr maltée souvent sur des notes grillées et caramélisées.
La cervoise est sans aucun doute en train de se refaire une place au soleil dans le paysage brassicole français, et on se met à rêver qu'elle devienne un style reconnu internationalement...
Pourquoi si peu de données archéologiques?
"La difficulté de l’identification et l’interprétation concrète de vestiges archéologiques liés à une brasserie gauloise explique tout d’abord le peu de données disponibles pour le sujet. Mais ce n’est pas tout. Les Gaulois n'écrivaient pas, de fait, les seuls écrits que nous ayons proviennent du répertoire grec et romain qui décrivaient ce breuvage et les peuples qui le consommaient avec mépris. On ne trouve donc aucune recette officielle écrite par un gaulois. De plus, la cervoise était une fabrication domestique, ainsi on ne trouve pas de grandes unités de fabrication comme en Égypte (Abydos). Il est donc plus difficile de trouver des vestiges archéologiques immobiliers (brasserie, séchoir) que mobilier : vaisselle, jarres, gourde.
La recherche archéologique sur la bière en Gaule est malgré tout en passe de s’enrichir grâce aux données livrées chaque année par l’archéologie préventive et les nouveaux champs de recherche qui se penchent sur ce sujet de plus en plus à la mode.
Cependant, la difficile lecture des vestiges clairement associés au brassage nécessite la mise en place de nouvelles méthodes d’inventaire afin de pouvoir identifier des types différents de vestiges et peut être qui sait, découvrir enfin une véritable structure identifiée comme une brasserie gauloise?"
Source article de Elodie Caserta, archéologue, écrit pour la revue Mordu de la Terre à la Table - hiver 2021
Quelques brasseries productrices de cervoises
Brasserie du Jugement Dernier - 15 allée Madame de Sévigné 03800 Mazerier
Brasserie des Garrigues - Parc d’Activité de l’Arnède 30250 Sommières
Brasserie de la Somme - 7 Rte de Berneuil 80620 omart-en-Ponthieu
Brasserie Bierataise - 848 Rte de Poucharramet 31370 Bérat
Brasserie Lancelot - La Mine d'or 56460 Sérent
L’Antre de l’Échoppe - 4 Rue Benjamin Crémieux 11100 Narbonne
Ferme-brasserie de la Chapelle - 154 Le Bourg, 76 780 La Chapelle Saint Ouen
Brasserie du Val d’Ainan - 82 voie de la Martinette, 38620 Saint-Geoire-en-Valdaine
Brasserie du Mont Salève - 151 Rue du Jura, 74160 Neydens
Brasserie Aquae Maltae -Rue de l'Ancienne Minoterie, 13100 Aix-en-Provence
Brasserie L’Opercule - ZA Av. Salm, 88210 Senones
Pour aller plus loin sur le sujet :
Mordu Magazine de la Terre à la Table
Boire en Gaule Fanette Laubenheimer - CNRS Éditions
La bière chez les Gaulois et les Romains – Philippe Voluer – Édition Musée Français de la Brasserie – 2014.