Que se racontent un brasseur et un boulanger quand ils se rencontrent ? ( Petites bulles de Mordu #7)
Des histoires de bières au pain, de fermentation et de levain.
Rencontrer Bruno Torres, le créateur de la Brasserie La Baleine, c’est entrer dans un monde où le pain solide et le pain liquide ne font qu’un.
Il y a déjà quelques années de cela, Bruno rencontre Benoît Castel, artisan boulanger. On est en 2016. L’envie de travailler ensemble est immédiate, et la première Cru 1910 voit le jour un peu plus tard.
Depuis, dans chacune de ses bières, travaillées avec les levains de Benoît Castel, les assemblages de levures sont tous différents, car travaillés avec des quantités différentes.
Et ce qui est magique dans le levain, rappelle Bruno, c’est que quand tu modifies un paramètre, ça modifie tous les autres en cascade.
Peut-on oser les qualifier de « bières boulangères »? Pourquoi pas ?
Sa dernière création, la Nano, une bière sans alcool, est réalisée avec 2 miches de pain de 5 kg de Benoit Castel dans la cuve d’empâtage, sur une base de malts de base. Une expérience gustative rare.
L'histoire du pain et de la bière, on pourrait presque dire que c'est l'histoire de l'humanité.
Le pain liquide, c’est la bière. Sikaru, qui signifie “pain liquide” est d’ailleurs le nom donné à cette boisson à Sumer, dans l’Antiquité.
Pour faire de la bière, la technique à l’époque consiste à cuire légèrement des petits pains d’orge ou d’épeautre, que l’on émiette ensuite dans des cuves remplies d’eau, de dattes et de miel. Après quelques jours de fermentation, le contenu est transvasé dans des jarres. Cette bière, appelée 𝑧𝑦𝑡ℎ𝑢𝑚 en Égypte, est alors consommée avec un chalumeau, sorte de grosse paille de bambou.
Dans les tombes et les textes funéraires, on retrouve souvent la phrase “ 𝑑𝑢 𝑝𝑎𝑖𝑛 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑏𝑖𝑒̀𝑟𝑒, 𝑒𝑡 𝑡𝑜𝑢𝑡𝑒𝑠 𝑏𝑜𝑛𝑛𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑜𝑠𝑒𝑠”. Et dans de nombreuses civilisations,la bière accompagne les défunts dans leur voyage vers l’au-delà.
En écriture égyptienne, les hiéroglyphes de la bière et ceux du pain constituent ensemble le fondement de la table, en formant le mot “ounemet”, qui signifie “repas”.
Le temps du levain
Une base de farine et d’eau travaillée tous les jours. Alimentée et nourrie. Le levain est comme un être vivant, il faut le surveiller, le nourrir, on ne sait jamais comment le pain va être au final ! Chaque recette du levain est identique chaque jour, en revanche, par rapport à la température extérieure, à la température du four aussi, à l’ hygrométrie, si il y a un orage ou pas, à chaque fois, le pain sera différent !
Les mains des boulangers
La série des mains magiques de la boulangerie de l'artiste photographe locale, Ediluz Avenel est juste magique. Intitulée 𝑀𝑎𝑖𝑛𝑠 𝑑’𝑂𝑟, 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑚𝑒́𝑡𝑖𝑒𝑟, 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑝𝑎𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛, elle est un hommage vibrant au métier, aux mains des artisans.
Cette série envoûtante de photographies est une initiative de Marcel Cablé, le fondateur de la Grange du Boulanger.
Des mains qui sont le premier et le dernier contact avec les pains.
Profitons-en pour rappeler les étapes d’une qualité artisanale, avec des mots inspirés directement par Marcel Cablé :
le pétrissage qui peut être bien sûr mécanique, mais pour lequel rien ne remplace le toucher des mains pour ressentir la texture exacte de la pâte et ajuster les ingrédients pour obtenir la consistance parfaite.
Le développement de la pâte : la toucher, la sentir, savoir quand elle est prête...
Le façonnage à la main, pour donner à chaque miche une forme unique et artisanale.
La mise au four et le contrôle de la température de cuisson est un art manuel, garantissant une croûte dorée et une mie moelleuse.
Un pain de malt
On reste à la Grange du Boulanger, à Theix-Noyalo dans le Golfe du Morbihan, chez Marcel Cablé, pour y trouver un pain de malt, artisanal et bio, fabriqué avec un levain naturel à base de ferment lactique, et avec les orges maltées de la malterie Yec'Hed Malt à Saint-Avé et du petit épeautre.
C’est un pain créé pour durer, car il a été spécialement conçu pour Thibaut Vauchel , skipper de Défi Voile Solidaires En Peloton, pour son départ sur la Route du Rhum - Destination Guadeloupe.
𝐶𝑢𝑚 𝑝𝑎𝑛𝑖𝑠, celui ou celle qui partage le pain, ou la bière.
Aujourd’hui, la tendance est de remettre au goût du jour les pains à la bière et toutes sortes de recettes à base de drêches, (les enveloppes des grains récupérés après la filtration du moût). On trouve ainsi des pains, des biscuits salés et sucrés, des pâtisseries aux drêches.
L’inverse est également très tendance.
Si les bières au pain remontent à l’Antiquité, elles retrouvent les faveurs des brasseurs, qui utilisent soit des invendus de leurs amis boulangers, soit des pains de seigle ou d’autres céréales spécialement produits pour l’occasion.
L’amie, la Pain Perdu, la Miche, la Mouillette, la Tartine, les noms de ces bières parlent d’eux-mêmes.
Air du temps ? Tendance économie circulaire ? Mouvements de rapprochements entre artisans ?
Brasseries et boulangeries travaillent main dans la main pour proposer des bières au pain. Avec la variété des pains, le champ des possibles en création est tout simplement inimaginable. Une nouvelle famille de bières renaît. Typiquement française
La mission de Mordu Magazine de la Terre à la Table est de témoigner des tendances.
Les bières au pain sont plus qu’une tendance : elles témoignent du lien indissociable qui unit ces deux produits fermentés depuis l’apparition des céréales sur la planète
Des liens plus vivants que jamais.
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