Cette Bulle m'est inspirée par les liens ancestraux qu'entretiennent les brasseurs avec les rythmes de la nature, les traditions calendaires et symboliques pascales liées aux bières partout sur la planète.
Il y en a tant, je choisis aujourd'hui de vous parler des bières de Pâques vivaces au Danemark, et des liens entre les œufs de Pâques et les œufs à levure des brasseries.
J'ai toujours entendu parler de ces bières de Pâques, vivaces en Europe du Nord.
Mes recherches m'amènent aux écrits de mon collègue danois Christian Andersen. Qui remonte lui-même naturellement aux traditions monastiques bavaroises.
Salvator
Aujourd'hui au Danemark, ces bières Påskebryg n'ont pas de connotation religieuse et leur origine est plutôt récente. La première remonte à 1890 et s'appelait Salvator, brassée par la Brasserie Thor à Randers. Le même nom que son ancêtre bavaroise...
Une DoppelBock
Carlsberg et Tuborg commercialisent chacun au tout début du XXème siècle une Påskebryg. Ce sont alors des bières plus foncées que les Lagers blondes, plus alcoolisées aussi. Ces bières de fermentation basse titraient jusqu'à 9% d'alcool.
Direction Munich, au monastère de Neudeck ob der Ab au début du XVIIème siècle.
Les moines de l'ordre des Paulaners n'ont pas le droit de manger de la nourriture solide pendant le jeûne. Ils brassent alors une bière nutritive. Le nom de la brasserie vient des moines de l’ordre des Minimes appelés en allemand Paulaner, en référence à leur fondateur, Saint François de Paule ((Franz von Paola en allemand)
Vous connaissez maintenant l'origine de la DoppelBock, une bière de fermentation ( Bock ) plus forte en alcool ( Double). Ils l'appellent " Salvator" et la vendent à Pâques aux pèlerins.
De la Bavière au Danemark
Cette Salvator, pain liquide monastique bavarois se généralise en Allemagne puis arrive environ 100 ans plus tard au Danemark. On raconte que Jacobsen, le créateur de Carlsberg, parti rencontrer les brasseurs bavarois pour en savoir plus sur leurs techniques de fermentation basse, en serait revenu avec les précieuses bouteilles...
La Salvator brassée par Carlsberg est si appréciée que les Danois organisent des fêtes Salvator à l'approche de Pâques. On est en 1905 et l'année suivante, Tuborg produit aussi sa bière de Pâques.
De nos jours, un grand nombre de brasseries proposent une bière de Pâques, souvent un style Bock ou DoppelBock, souvent d'autres styles.
Il y a des bières de Pâques pour tous les goûts
Le Fiddivous de Stevns Bryghus est brassé avec du malt fumé. La brasserie Rise elle, ajout des noix dans sa bière Bock. À Nibe, on raffole des herbes. Leur Easter Brew, une Triple d'inspiration belge est additionnée de sauge et de menthe. Fur Bryghus produit une Pilsner forte, Jacobsens Forårsbryg a une étiquette forestière et Indslev Bryggeri, produit une bière de blé pour sa bière de Pâques.
Du jaune, des fleurs, des bières, pour fêter le printemps
Au Danemark, les festivités de Pâques commencent assez tôt. Les maisons et les tables sont décorées de fleurs et d’ornements jaunes, cette couleur symbolise Pâques. Indépendamment de toute considération religieuse, cette fête célèbre avant tout pour la plupart des Danois l'arrivée du printemps. Des arbres de Pâques sont installés dans chaque demeure, ( l'équivalent du sapin de Noël), composé de rameaux d'arbre décorés avec des œufs peints.
Au sujet des œufs de Pâques
Faire la fête quand les jours rallongent pour célébrer l'arrivée du printemps est une tradition au Danemark, mais aussi dans toutes les cultures. Quand les jours rallongent, quand la nature se réveille et les fleurs éclosent.
Les œufs de Pâques sont le cadeau le plus répandu le jour de Pâques, déjà dans l'Antiquité
On retrouve déjà dans l'Antiquité une tradition qui consiste à s'offrir des œufs peints. Les œufs étaient en effet considérés comme un symbole de la vie et de la renaissance. Les Perses, les Égyptiens s'offrent des œufs peints en rouge. On retrouve aussi cette coutume chez les Gaulois.
Il faut savoir aussi que du côté chrétien, l’Église au IVème siècle interdit de manger des œufs pendant le Carême. Donc les œufs pondus depuis le début du Carême - n'ayant pas été mangés - sont décorés et offerts, et utilisés pour fabriquer les pains et pâtisseries de Pâques.
L’œuf cosmique
Dans la plupart des mythes, l’œuf cosmique évoque la naissance du monde. Dans le Kalevala, livre de la grande tradition finlandaise, le monde est né de l'œuf.
De nos jours, les œufs de Pâques restent une tradition vivace dans le monde entier. Ou plutôt une coutume commerciale. Qui donne l'occasion de revenir aux sources pour la comprendre.
L’œuf à levure
Pour mélanger le moût et la levure, les brasseurs ont toujours utilisé une cuve de forme ovoïde. On l’appelle l’œuf à levure. Sa forme permet de résister à la pression intérieure due à la fermentation. Sa forme rappelle l’œuf philosophal, et la dimension symbolique de l’œuf dans sa dimension de fécondation, de vie. On en trouve quasiment dans chaque musée de la bière, et les brasseries utilisent toujours le même type de cuve pour conserver leur levure.
Je vous renvoie à la lecture de cette Bulle de Mordu sur la fermentation : https://www.linkedin.com/pulse/plongeon-dans-la-fermentation-elisabeth-pierre--9okge
Sources :
Christian Andersen, expert bières, auteur du blog brassicole Durst
Anders Kissmeyer, ancien maître brasseur chez Carlsberg